Transcription de la balade sonore : Les bois et la chasse

En 1859, Thomas Austin, un britannique du sud de l’Australie, passionné de chasse, importe douze couples de lapins pour se divertir, le fusil en joue. Cinquante ans plus tard, n’ayant pas d’ennemi naturel pour réguler leur multiplication, 600 millions de ces animaux ont colonisé 60% du territoire : c’est l’une des pires catastrophes de l’île dont on se souvient comme « l’époque où les lapins ont failli manger l’Australie ».

À Verneuil, un phénomène semblable s’est produit au XIXème siècle.

Les châtelains de Verneuil ont toujours apprécié s’adonner aux plaisirs de la chasse. Le comte de Talleyrand, par exemple, invitait souvent des nobles de la Cour pour participer à ses parties de chasse. À l’époque moderne, la chasse est un sport uniquement réservé à la noblesse, et il est toujours appréciable, lorsque l’on est seigneur, d’avoir, à portée de fusil, un gibier abondant que les gardes-chasse entretiennent.

Le lapin est une proie qu’on apprécie particulièrement chasser, parce qu’il permet aux chasseurs de faire montre de leur habileté au fusil. Plus petit que le cerf ou le sanglier, il n’est pas aisé de l’abattre lorsqu’il court à pleine vitesse dans les fourrées.

Mais, comme souvent à cette époque, il n’est pas rare que le bonheur des uns fasse le malheur des autres : quand les nobles s’amusent, ce sont les petites gens qui en pâtissent. Les lapins se multiplient à une vitesse prodigieuse, et lorsqu’ils ne sont pas occupés à bondir pour éviter le plomb, ils causent des ravages partout où ils le peuvent. Les cultures des agriculteurs qui cultivent à proximité des bois du château sont souvent dévorées et plus d’une fois, le comte de Talleyrand doit leur verser réparations.

À la mort de ce dernier, sa veuve, unique propriétaire du domaine, loue les bois de Verneuil pour la chasse. Les locataires successifs de ce droit de chasse, promettent aux agriculteurs locaux de contrôler la reproduction des lapins et de les empêcher de causer des dommages aux cultures voisines.

Évidemment, comme on peut s’en douter, ces promesses ne sont pas tenues, et la ville frôle la catastrophe à la fin du XIXème siècle. Comme en Australie, les lapins ont bien failli manger Verneuil. En 1884, Fould et Ratisbonne, deux locataires, ont la brillante idée de multiplier les lapins dans un « but d’exploitation », si bien que 78 hectares de bois sont détruits. Pour endiguer la catastrophe, on appelle aux armes et à la suite de grandes battues dans les bois de Verneuil, 20 000 lapins sont abattus et le problème semble finalement réglé.

On retiendra de cette histoire que malgré son apparence inoffensive et souvent adorable, le lapin est un prédateur dont il vaut mieux réguler la reproduction.