Transcription de la balade sonore : Anne de Lamoignon, Comtesse de Senozan

Il est un autre grand personnage qui a visité, à maintes reprises, le château de Verneuil. L’unique fils de Guillaume de Lamoignon, Malesherbes. Membre de trois académies, président de la Cour des aides, directeur de la Librairie et de la Censure, deux fois ministre de Louis XVI, avant d’être lui-même guillotiné, il venait souvent à Verneuil pour rendre visite à sa sœur, Anne Nicole de Lamoignon, comtesse de Sénozan, est châtelaine de Verneuil sur Seine.

Née en 1718, elle partage dès son enfance un lien spécial avec son frère. Malesherbes ne tient pas en place et fait preuve de beaucoup de tempérament. Leur père l’enjoint vivement à corriger « ses innombrables défauts » ; mais Anne Nicole ne juge pas son Guillaume avec cette même sévérité. Au contraire, elle est convaincue que cette indocilité se transformera bien assez vite en indépendance et en liberté intellectuelle.

À dix-sept ans, Anne Nicole est donnée en mariage à Jean Antoine Olivier de Sénozan dont elle prendra le nom. Elle quitte la demeure familiale pour rejoindre celle de son époux. En 1736, elle accouche du petit François Antoine. La famille des Sénozan s’est considérablement enrichie dans la banque et les finances du roi, si bien que l’époux d’Anne Nicole est l’un des parlementaires les plus riches de France.

C’est en 1780 que la comtesse de Sénozan achète la terre et seigneurie de Verneuil. Elle y vit seule, avec ses domestiques. Le malheur a déjà frappé par deux fois sa famille : en 1759, d’abord, lors du décès de son fils unique, âgé de 23 ans, puis en 1778, lorsque son époux s’éteint à son tour.

Au château, Anne Nicole passe les dernières années de sa vie, jusqu’en 1794. Son passage a marqué l’histoire de notre ville, c’est elle qui a donné au château la façade que nous lui connaissons aujourd’hui, en confiant au maître d’œuvre, Jacques Denis Antoine, la charge de rénover son domaine entre 1782 et 1786.

Elle y reçoit régulièrement la visite de Malesherbes qui profite de ces moments privilégiés avec sa sœur pour oublier les tracas de la politique. On sait par une lettre, que Malesherbes y a passé l’hiver 1789, pour tenir compagnie à sa sœur, et qu’il s’y est retrouvé bloqué par les conditions météorologiques.

Jetons un coup d’œil à cette lettre, qu’il envoie à Boissy d’Anglas, où l’on comprend toute l’affection que porte Malesherbes à sa sœur.

« Dès que je serai à Paris, Monsieur, j’aurai grand empressement de vous donner le rendez-vous que vous me proposez.

Mais il m’est impossible de prévoir quand j’irai, parce que je suis absolument tête à tête avec ma sœur, femme âgée et infirme ; je ne peux absolument pas la quitter parce qu’elle resterait absolument seule, car par le temps qu’il fait ici, personne ne sera tenté à venir lui tenir compagnie. D’autre part, elle est clouée ici, à son grand regret, par le temps.

Nous sommes tout près de Paris ; mais séparés par la rivière qu’on passe par un bac, et ni pendant la gelée, ni pendant le dégel qui suivra, le bac ne pourra marcher.

Je suis donc précisément comme un vaisseau dans un bon port de mer où il est très tranquille, mais dans l’impossibilité de sortir tant que les vents seront contraires. »

La comtesse de Sénozan reste au château jusqu’à sa condamnation en 1794. Jugée coupable d’être une « ennemie du peuple » par le Tribunal Révolutionnaire, elle est guillotinée le jour de son procès.